COURRIER INTERMINISTERIEL N° 00039/MRE/MCT
Brasilia, le 7 février 2002
Monsieur le Président de la République,
J’ai l’honneur de vous faire parvenir, en annexe, le texte en portugais du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ouvert à la signature à Kyoto au Japon, le 11 décembre 1997.
2. Comme vous le savez, il s’agit de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques approuvée lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement - la Conférence de Rio -, en 1992. Elle vise à la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, en utilisant comme référence l’année 1990, à un niveau empêchant une interférence anthropique néfaste au système climatique de la planète, et qui se traduira par le réchauffement de la Terre.
3. Le principe de responsabilités communes mais différenciées, consacré dans la Convention, reconnaît la part de responsabilité de chaque pays dans réchauffement global selon son niveau de développement historique. La convention, s’appuyant sur ce principe, met en oeuvre divers types d’engagement. Elle souligne que « le degré de tenue des engagements pris » par les pays en développement, dépendra du respect effectif des engagements pris par les Parties pays développés en ce qui concerne les ressources financières et le transfert de technologies ». La Convention stipule également dans son article 4.7, que le « développement économique et social et l’éradication de la pauvreté sont les priorités essentielles et absolues des pays en développement Parties.
4. Face à la constatation que les émissions des pays industrialisés augmentaient malgré les engagements pris lors de la Convention de 1995, la 1ère Conférence des Parties à la Convention (qui s’est tenue à Berlin) a reconnu le besoin d’établir des objectifs quantitatifs et obligatoires visant à la réduction d’émissions pour ce groupe de pays, et de les ramener au niveau des émissions de 1990. Grâce aux directives établies lors du Mandat de Berlin, un processus de négociation s´est amorcé lors de la 3ème Conférence des Parties de la Convention, visant à l’adoption d’un protocole contenant des engagements plus nets et profonds de la part des pays développés et de ceux en transition économique, visés à l’Annexe I de la Convention.
5. Le Protocole de Kyoto a été approuvé lors de la 3ème Conférence des Parties de la Convention, à Kyoto en 1997. Ce Protocole a adopté des objectifs généraux de réduction de 5,2 % des émissions de gaz à effet de serre (année de référence 1990), pour l’ensemble des pays visés à l’Annexe I. Cet objectif global devra être atteint entre 2008 et 2012, appelé première période d’engagement. Les membres de l’Union européenne devront atteindre une réduction de 8% et les États-Unis devront réduire leurs émissions de 7 % par rapport à l’année 1990.
6. Le Brésil a été très actif dans la création de la structure du Protocole de Kyoto, présentant des propositions concrètes afin d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Soulignons l’importance de la « proposition brésilienne » dans la définition des objectifs de réduction d’émission s’appuyant sur la responsabilité historique de chaque pays dans l’augmentation de la température de la planète. Cette proposition est devenue un item permanent du calendrier de l’Organisme subsidiaire de conseil technique et scientifique de la Convention et fait figure de référence dans les négociations des engagements de la deuxième période qui devront débuter en 2005 (conformément à l’article 3.9 du Protocole). De plus, la proposition brésilienne de création d’un Fonds de Développement Propre auquel contribueraient, avec une taxe équivalente aux tonnes de carbone émis en excès, les pays qui n’ont pas tenu leurs engagements de réduction en dépassant leurs limites d’émissions, a évolué vers le Mécanisme pour un Développement Propre du Protocole, essentiel aux pays en développement.
7. Le Mécanisme pour un Développement Propre est le seul mécanisme flexible du Protocole de Kyoto qui permet la participation des pays en développement. Les autres mécanismes, comme le commerce des émissions et la mise en œuvre conjointe, sont propres aux pays visés à l’Annexe I. Le Mécanisme pour un Développement Propre aidera les pays en développement à atteindre un développement durable et contribuera à la réussite de l’objectif primordial de la Convention, qui est la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre. Il aidera également les pays visés à l’Annexe I à respecter leurs engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Grâce au Mécanisme, les pays en développement pourront profiter de projets issus de « réduction d’émissions certifiées » qui pourront être utilisés par les pays visés à l’Annexe I pour respecter leurs objectifs de réduction d’émissions.
8. Le Protocole de Kyoto ne prévoit pas d’engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour les pays en développement. Il confirme cependant, le principe de responsabilités communes mais différenciées, laissant toute latitude aux pays en développement pour atteindre un développement durable, et les exempte de l’adoption de mesures obligatoires visant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Conformément aux termes de la Convention et du Protocole, le Brésil, le Groupe des 77 et la Chine se sont opposés aux tentatives d’attribuer de tels engagements aux pays en développement. Il faut souligner que les émissions par habitant des pays en développement sont encore relativement faibles et que la Convention reconnaît que ces pays vont devoir augmenter leurs émissions pour atteindre leurs objectifs de développement. Pour le Brésil, l’entière mise en oeuvre des engagements contenus dans le Protocole par les pays visés l’Annexe I est une priorité absolue, avant toute discussion sur les engagements liés aux pays en développement.
Protocole, un programme de travail a été créé pour accélérer la mise en œuvre de la Convention et préciser les questions opérationnelles du Protocole de Kyoto, jusqu’à l’an 2000. Le Plan d’Action de Buenos Aires faisait référence à un ensemble de décisions visant à réglementer les principaux aspects de la Convention et du Protocole de Kyoto, comme : i) la réglementation des mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto, tout particulièrement du Mécanisme pour un Développement Propre ; ii) les négociations sur l’utilisation des terres et les changements de l’affectation des terres et foresterie (connu comme LULUCF, sigle en anglais) et le rôle qu’elles joueront dans l’effort de d’atténuation de l’effet de serre ; iii) le régime de conformité du Protocole ; iv) les mesures d’adaptation au changement du climat (liées à la vulnérabilité des pays) ; v) des moyens et des modes pour le transfert de technologie et ; vi) le financement. Le principal objectif du Plan d’Action de Buenos Aires était de réglementer les mécanismes établis par le Protocole de Kyoto, en mettant en avant le Mécanisme de Développement Propre ainsi que le régime de conformité du Protocole qui sont des éléments essentiels à la ratification de cet instrument, principalement pour les pays visés à l’Annexe I. Il faut rappeler que pour que le Protocole entre en vigueur, il est nécessaire que les pays visés à l’Annexe I, responsables de 55 % des émissions de dioxyde de carbone par rapport à l’année de référence 1990, le ratifient. Il faut également qu’au moins 55 Parties signataires ratifient le Protocole.
10. Les négociations menées à la 6ème Conférence des Parties de la Convention à La Haye en novembre 2000, ne sont pas parvenues à finaliser les décisions liées au Plan d’Action de Buenos Aires. Parmi les obstacles rencontrés, il faut souligner l’intransigeance de certaines Parties, en particulier les États-Unis, à la recherche de la plus grande souplesse possible dans l’utilisation des mécanismes du Protocole et des activités du LULUCF, réduisant le coût interne des mesures de réduction des émissions. Un autre obstacle est la méthodologie de travail adoptée par la Conférence qui, en mélangent négociation politique et négociation technique, n’a pas permis de définir un document final qui puisse consolider les accords entre les Parties. Pour donner davantage de temps aux négociations et pour éviter un échec de la communauté internationale sur la mise en oeuvre du Plan d’Action de Buenos Aires, il a été décidé de suspendre la 6ème Conférence des Parties et de la reporter au mois de juillet 2001 à Bonn.
11. Lors de la nouvelle convocation de la 6ème Session, les Parties sont parvenues à adopter l’Accord de Bonn, grâce à une compréhension politique et la recherche d’un consensus sur les aspects les plus controversés des négociations. Ainsi la Conférence de Bonn a représenté un pas important vers la ratification du Protocole de Kyoto. Les négociations des thèmes les plus urgents concernant les pays en développement ont été conclues, tels que les financements, les mesures d’adaptation et de vulnérabilité, le transfert de technologies et la formation. Toutes les questions relatives au LULUCF ont été acceptées, à l’exception de celle concernant une adéquation nécessaire de la méthodologie pour définir le pourcentage de carbone absorbé par ces activités et calculé pour évaluer la tenue des engagements de réduction des émissions dans un pays déterminé. Les négociations sur les mécanismes ont considérablement avancé, mais elles ont besoin de plus de temps, vu l’étendue et la complexité technique de divers aspects. La négociation sur le régime de conformité du Protocole a cependant mené à une impasse, face à la réserve de pays comme l’Australie, le Canada, le Japon et la Russie, et en fonction du caractère obligatoire des sanctions attribuées aux pays qui ne respecteront pas leurs engagements pris lors de la ratification du Protocole de Kyoto, principalement la réduction de leurs émissions.
12. L’accord de Bonn a le mérite d’avoir modifié l’équation politique qui caractérisait les négociations sur le changement climatique, notamment depuis la Conférence de La Haye. Cet accord a représenté une avancée encourageante dans le processus de réglementation pour la ratification du Protocole de Kyoto. Ce résultat revêt un aspect particulier face au refus nord-américain de ratifier le Protocole de Kyoto.
13. La 7ème Conférence des Parties à la Convention, réalisée à Marrakech du 31 octobre au 9 novembre 2001, est parvenue à conclure les négociations sur les éléments du Plan d’Action de Buenos Aires suivant la ligne des accords politiques obtenus à Bonn. Les négociations sur les mécanismes de flexibilité et sur le régime de conformité du Protocole de Kyoto ont été conclues à Marrakech.
14. En début de conférence, la conclusion des négociations techniques du régime de conformité du Protocole a provoqué un réel enthousiasme, malgré les nombreuses controverses à son sujet. Ce régime de conformité peut être considéré comme étant l'un des plus innovateurs réalisé dans des conventions multilatérales sur l’environnement. En effet, il favorise un arrangement sophistiqué qui prévoit un ensemble de sanctions en cas de non-respect des engagements de réduction des émissions, mais sa nature juridique ne sera définie que plus tard lors de la 1ère Réunion des Parties du Protocole, après son entée en vigueur. Il a été établi que la participation d’une Partie au mécanisme de flexibilité dépend de son acceptation du régime de conformité. Ceci a encouragé les pays, lors de la 1ère Réunion des Parties, à endosser le règlement négocié à l’occasion de la 7ème Conférence des Parties. Si tous les pays acceptent ces sanctions juridiques obligatoires, le texte présenté à Marrakech se transformera en amendement au Protocole conformément à l’article 18 de ce dernier.
15. Les négociations concernant les mécanismes de flexibilité ont également été conclues de manière satisfaisante. L’intégrité environnementale du Protocole a été préservée grâce à la définition d’un juste milieu entre le besoin de flexibilité des mécanismes utilisés par les pays visés à l’Annexe l et le contrôle des activités autorisées, de manière à garantir une réduction réelle et mesurable des émissions de gaz à effet de serre. La vision brésilienne que la quantité attribuée est une valeur fixe a prévalue. Ainsi, le calcul des opérations dans le cadre des mécanismes de flexibilité servent seulement à vérifier les engagements des Parties durant la première période d’engagement. Ce calcul n’influence pas les quantités qui seront fixées durant la deuxième période. Une assemblée exécutive du Mécanisme pour un Développement Propre, comprenant vingt membres, a été désignée pour la mise en en oeuvre immédiate du Mécanisme. C’est l’instance qui sera responsable de l’approbation de tout le cycle de projets MDL. Le Brésil a été élu à l’unanimité, représentant du groupe Amérique latine et Caraïbes auprès de l’assemblée exécutive.
16. Des spécialistes ont identifié le Groupe des 77, la Chine et l’Union européenne comme étant les plus grands bénéficiaires de Marrakech. Ce n’est pas une coïncidence si ce sont ces deux groupes qui ont favorisé ce processus qui a abouti à l’adoption des Accords de Marrakech. Le Brésil, quant à lui, a tenu un rôle important dans les négociations, en coordonnant le groupe sur les modalités d’adoption du régime de conformité du Protocole, un des thèmes les plus controversés, et le groupe informel sur les mécanismes.
17. Les décisions adoptées par consensus à Marrakech donneront de l’élan au processus de ratification du Protocole de Kyoto, principalement par les pays visés à l’Annexe I, ayant comme scénario l’année 2002, date anniversaire des 10 ans de la Conférence de Rio. Le Protocole de Kyoto est le meilleur instrument disponible capable de résoudre de manière équilibrée le problème du changement climatique, principalement en ce qui concerne les intérêts du Brésil et des pays en développement. D’ailleurs, il est possible d’affirmer que l’importance du Protocole n’est pas seulement due à son impact sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais également parce qu’il témoigne du succès d’une concertation multilatérale, grâce à l’adoption de mesures globales pour lutter contre le changement climatique.
18. Le rôle de chef de file joué par le Brésil dans les négociations sur le changement climatique, et selon vos instructions, répond aux attentes de la communauté internationale et de la société brésilienne afin que le Brésil accompagne les efforts internationaux qui garantiront l’entrée en vigueur du Protocole à l’occasion du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg en 2002. Le Brésil occupe d’ailleurs une position particulière dans le processus de structuration interne de mise en oeuvre de la Convention et du Protocole grâce à la création, en 1996, de la Commission interministérielle du changement climatique, présidée par le Ministre des Sciences et de la Technologie. Ces éléments confèrent au pays un statut de leader dans le processus de ratification du Protocole. Il faut également citer les efforts des ambassades à Péquin et New Delhi qui ont coordonné le processus de ratification avec la Chine et l’Inde, renforçant ainsi le moment politique atteint grâce à la conclusion de la réglementation du Protocole. Ainsi, les trois principaux pays en développement ont réaffirmé leurs engagements pris avec les dispositions de Kyoto et le règlement international sur le changement climatique dans son ensemble.
19. L’exposé ci-dessus, allié à une mobilisation de ressources comme l’a démontré le Protocole de Kyoto - en particulier le Mécanisme pour un Développement Propre - et l’intérêt que ce thème suscite dans la société brésilienne, appellent à une mise en oeuvre immédiate du processus de ratification du Protocole par le Brésil, afin que cet instrument soit déposé auprès du Secrétariat général des Nations Unies avant la Conférence de Johannesburg. De cette manière, le Brésil montrerait qu’il a l’intention de continuer à exercer son rôle de leader dans les thèmes globaux sur l’environnement, à l’exemple de la Conférence des Nations Unies réalisée à Rio de Janeiro en 1992. Le pays respectera les préceptes constitutionnels exprimés à l’article 225 de la Constitution fédérale, assumant son engagement éthique avec les futures générations en s’impliquant définitivement dans les efforts internationaux de prévention du changement climatique, thème global par excellence.
20. Aux vues de ces éléments, nous avons l’honneur de soumettre à votre appréciation le Projet de Message à l’Assemblée nationale, afin d’acheminer et de soumettre le texte du Protocole à l’appréciation du pouvoir législatif.
Respectueusement,
CELSO LAFER Ministre des Affaires Étrangères
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RONALDO SARDENBERG Ministre des Sciences et de la Technologie
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